1958, bien sûr. Eh oui ! je suis un cinquante-huitard. 1958. C'était l'année de l'exposition universelle à Bruxelles. Du 17 avril à la mi-octobre, six mois à explorer le monde, à découvrir la mondialisation. Après la guerre, le monde se réconciliait ou s'affrontait sans violence extrême. Le pavillon américain, ses girls et ses TV couleur, à côté du pavillon soviétique, ses fusées et ses spoutniks. J'étudiais de concert l'américain et le russe. Des premiers coups d'oeil sur des pays que je visiterais dans la suite : la Thaïlande, le Canada, la Russie, les USA...
C'était aussi les prémices de l'Europe.
Et un extraordinaire Palais de la Science d'où les visiteurs sortaient avec une rondelle d'une matière d'avenir. Comment disait-on? Oh oui, le plastique.
Je savais que le monde s'accélérait et se tissait en un nouveau maillage.
Un vieux monde s'en allait. Les allumeurs de réverbères remballaient leur flambeau magique. Ils étaient remplacés par un interrupteur de quartier. Les chiens ne tiraient plus les charrettes de "lait à la cruche"'. J'ai aimé, et j'aime encore, cette année 58 qui me faisait entrevoir un monde passionnant.
J'ai aimé aussi les 49 années suivantes, et j'aimerai certainement la prochaine. Bien sûr 1968 et le printemps de Prague, à Prague. Comme j'avais aimé 1944, l'année du débarquement et de la libération. Pour moi aussi l'entrée à l'école primaire après les bombardements et les bruits de bottes.
Un chouette dernier demi-siècle.
Malgré les guerres, les dominations, les séparations, les désillusions...
1958 reste pour moi l'année de la prise de conscience de la dimension du monde.
@En 58, j'étudiais la biologie à l'Université de Louvain et je commençais un diplôme complémentaire en philosophie.
Il y avait parmi mes compagnons des jeunes pour lesquels le monde était un éternel recommencement. Ils deviendraient notaire ou médecin ou avocat pour reprendre l'affaire de papa. Ils pratiquaient la religion comme on l'avait toujours fait.
Et il y en avait d'autres qui voulaient s'inscrire dans un monde en renouvellement. Comme biologiste j'étais déjà passionné par la bioéthique. A l'époque c'était le thème de l'accouchement sans douleur contre ceux qui croyait à un prescrit éternel "tu enfanteras dans la douleur". On venait d'apprendre qu'il y avait 46 chromosomes chez l'homme et on était avides de découvrir davantage.
Dans la religion catholique, le nouveau pape s'appelait Jean XXIII. Un Belge recevait le Prix Nobel de la Paix.
Et même les militaires américains préparaient l'avenir en créant l'ARPA, qui allait lancer ARPAnet, futur Internet.